Nos icônes ont également leurs "faiblesses"… Que penser du « Loup au cou de chien » de Pol Vandromme ?
C’est fin 1978 que Pol Vandromme publia Le loup au cou de chien. Degrelle au service d’Hitler.
Avec ce livre, l’éditorialiste du Rappel de Charleroi se prétendait historien, et même historien du meilleur niveau : « On connaissait Pol Vandromme comme un très bon écrivain, comme un critique fort apprécié, mais guère encore comme historien. Dans l'ouvrage Le loup au cou de chien, il fait revivre les événements tragiques de l'avant-guerre et de la guerre 1939-1945 avec une implacable lucidité et ne celant rien de la vérité», proclame la page 4 de couverture.
Pourquoi revenir près de quarante ans après, sur ce qui n’était qu’un méchant pamphlet ? Parce que son auteur, Pol Vandromme, n’est pas n’importe qui dans « nos milieux ». Parce que personne dans « nos milieux » n’a jamais rendu compte de cette mauvaise action. Parce que nous avons enfin reçu ce compte rendu qui montre que « nos milieux » ne sont pas nécessairement à l’abri d’un « politiquement correct » à l’envers.
Et enfin, parce que cette critique – même datée – rend justice à Léon Degrelle.
Voici le courrier que nous adresse un professeur à la retraite, ancien titulaire de la classe de Rhétorique d’un Collège des « Bons Pères »…
Cher Monsieur,
Un ami commun me fait parvenir copie de votre article « Degrelle-Hergé, même combat », publié voilà déjà deux ans dans « Synthèse nationale ».
J’y vois nombre d’informations pertinentes et innovantes, mais je ne voudrais vous entretenir que d’un petit détail. Je vois que vous citez dans la bibliographie l’inévitable « Monde de Tintin » de Pol Vandromme et que vous ajoutez « Un mot sur le critique apprécié » qui est, passez-moi l’expression, un flingage en bonne et due forme !
Cette note concernant le pamphlet « Le loup au cou de chien » m’a particulièrement réjoui, car, à l’époque de sa publication, en 1978, j’étais étudiant en philologie romane (aux Facultés de Namur, puis à Louvain, tout comme Léon Degrelle !) et j’avais été sidéré par l’incroyable mauvaise action d’un auteur qui ne m’avait jamais inspiré qu’un immense respect pour son œuvre de critique sans tabous.
Ce livre m’avait profondément heurté pour deux raisons : tout d’abord sa mauvaise foi de tous les instants, et ensuite le moment choisi de la publication, qui était celui où était annoncée la diffusion par FR3, dans la série « Les Dossiers noirs », du chef-d’œuvre absolu de Jean-Michel Charlier « Léon Degrelle. Autoportrait d’un fasciste ».
La quatrième page de couverture y insistait d’ailleurs : «Tout est dit et révélé sur un personnage peu reluisant qui a trahi son pays, qui servilement s'est mis au service d'Hitler et de Mussolini, qui a refusé de passer devant ses juges et s'est mis sous la protection du dictateur Franco et qui, bénéficiant de l'audience de FR 3, déclare avec emphase qu'il recommencerait! L'ouvrage de Pol Vandromme dévoile ce que FR 3 n'a pas dit. »
C’est cet essai mercantile de participation à la curée obligatoire contre l’éternel proscrit belge qui m’avait encore le plus écœuré. Mais la curée alla plus loin que ne le pensait Vandromme, puisque, enlevant à son livre toute valeur d’actualité, le gouvernement français avait interdit d’antenne au dernier moment les deux volets de l’émission. Aujourd’hui encore l’ « autoportrait » de Léon Degrelle – remarquable documentaire soumettant toutes les affirmations du Commandeur de la Légion Wallonie aux réponses pitoyables et concordantes de ceux qu’il met en cause – n’est disponible que dans les « circuits parallèles »…
Lecteur assidu, à l’époque, de la remarquable revue « Défense de l’Occident » qui constitua ma véritable école de formation politique, je me risquai à proposer à Maurice Bardèche mon article pour publication. Et je fus quelque peu interloqué par sa réponse, que je vous communique.
Canet, 13 avril 1979.
Mon cher Camarade,
Quand vous m’avez adressé votre article sur Pol Vandromme, je pense que vous ignoriez qu’il avait été le premier en 1950 à publier chez Plon une biographie de Robert Brasillach. Un jeune écrivain belge risquait sa carrière à cette époque en écrivant un tel livre. Je ne puis l’oublier. Et je pense que Pol Vandromme a droit, quelle que soit mon opinion sur son dernier livre, à ne pas être attaqué dans ma revue. Je suis convaincu que vous comprendrez.
Croyez, je vous prie à mes sentiments bien cordiaux.
Maurice Bardèche
PS : Vous me ferez toujours plaisir en m’adressant des articles pour Défense de l’Occident. Soyez convaincu que vous serez le bienvenu.
Il est bien entendu que je comprenais parfaitement la position de Maurice Bardèche, – homme d’amitié et de fidélité –, mais pas au point de transformer un auteur – quel qu’il soit – en mandarin intouchable, voire sacralisé, – surtout lorsqu’il est pris la main dans le sac d’une vilenie.
Les choses en restèrent donc là, mais j’ai plaisir à vous envoyer copie de ce texte – quand même naïf et daté – de ma jeunesse, car je n’avais encore jamais vu, nulle part, quelqu’un (qui ne soit pas d’obédience socialo-communiste, évidemment) oser ruer dans les brancards au sujet de Pol Vandromme.
Sans doute son œuvre est-elle d’exception. Mais pas « Le loup au cou de chien » !
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Vandromme au service de…
De réputation, un des meilleurs journaliste-éditorialistes de la presse belge, le rédacteur en chef du Rappel est aussi un critique d’une rare pertinence (qui ne connaît ses essais sur Anouilh, Ghelderode et, plus récemment, sur Rogier Nimier ?) ainsi qu’un redoutable pamphlétaire (sa Lettre ouverte à Lucien Outers doit laisser un cuisant souvenir au « nationaliste linguistique »…).
Les éditions Labor (pour la Belgique) et Fernand Nathan (pour la France) viennent de publier Le loup au cou de chien. Degrelle au service d’Hitler.
La jaquette de ce livre souligne son intérêt tout particulier en annonçant les débuts de Vandromme-historien dont l’attitude est « d’une implacable lucidité et ne celant rien de la vérité ».
Une autre mouche que Clio semble pourtant avoir piqué l’auteur comme le laisse entendre la suite du texte de présentation : « L’ouvrage de Pol Vandromme dévoile ce que FR3 n’a pas dit. » L’origine du livre, qui se définit par rapport à son but, n’est donc pas le souci objectif d’établir un point d’histoire, mais bien le désir de croiser le fer avec une émission de télévision. Purement événementiel, se définissant essentiellement par opposition à un autre travail dont il est censé prendre le contrepied, ce livre n’est donc pas d’Histoire mais d’histoires ou, si l’on préfère, de polémique.
La mise au point est importante car le public risque d’être facilement trompé par ce travestissement et d’accepter comme l’expression exaspérée de l’évidence ce qui n’est que l’expression passionnelle d’un état d’esprit caractérisé par la haine. Celle-ci se manifeste sans doute le plus éloquemment dans l’avalanche d’épithètes, dignes des anathèmes du Capitaine Haddock, lancées à la tête de l’ancien Volksführer : en trois pages (pp. 19-21), nous avons droit à garnement prolongé, pantin d’apocalypse, adolescent énamouré, monarque de carnaval, pythie, ilote, dictateur de cour de récréation, mirliflore, apôtre de kermesse, dictateur verbomane, dictateur Pantalon !!! Dans les dernières lignes, l’ « hitléromane taré » éclate en « Dracula » avant de s’effondrer en « sous-chef de bureau retraité » !...
On comprend qu’à mi-parcours, le lecteur, accablé par cette explosion incessante de formules sonores, finit par éprouver de la lassitude, écrasé par la même sentence mille fois répétée, mille fois resservie sous mille synonymes qui veulent témoigner du savoir-faire littéraire et polémique de l’auteur : « Degrelle est un salaud ! Degrelle est un salaud ! »
Il n’est pas que l’insulte qui soit tarabiscotée : son environnement lexical ne l’est pas moins, qui frise, quant à lui, l’hermétisme le plus total : dans les seules cinquante premières pages, nous avons relevé soixante mots dont la fréquence littéraire absolue (établie d’après 70 millions d’occurrences par le Trésor de la Langue française) ne dépasse pas 50 (les mots courants ont une fréquence moyenne de 500 à 1500).
Signalons particulièrement les néologismes « mystagogique », « italoïde », « autogobisme », « pilpoul » (dans une phrase dénonçant l’ésotérisme !). Saluons aussi « follicule », « sanie », « fatrasie » et « amphigourique » (qui signifie justement « obscur » !)… Impossible d’autre part de passer sous silence ces formules gratuites qui témoignent d’un goût certain pour le « bon mot » (quand ce n’est pas pour le jeu de mots : « [il] faisait de la conjugalité une manière de partouze métaphysico-érotique » (p. 51) ; « une lubie de tambourinaires du félibrige et du légitimisme » (p. 74) ; « [une] carrière de one man show qui procédait en droite ligne des coquettes-cocottes » (p. 78) ; « Zéro pour le zozo » (p. 89) ; « l’histoire des Germains de langue française ferait en Bourgogne la tournée des grands-ducs » (p. 139). Et la pirouette verbale des deux phrases de l’ultime chapitre : « Mon pays me fait mal, clamait-il dans un poème de sa jeunesse. Il le lui a bien rendu. »
Cinq pages seulement (pp. 114-118), traitant un point précis d’Histoire (Degrelle et les rexistes auraient, avant la guerre, reçu des subventions des Italiens et des Allemands), s’appuient sur des citations : le Journal politique 1937-1938 de Ciano, où est annoncé le renouvellement d’un subside de 250.000 lires ; un télégramme secret de l’ambassadeur allemand en Belgique s’informant à Berlin de la possibilité d’aider au financement d’un journal neutraliste.
Voilà qui est bien maigre si l’on veut tenir compte de ces quelques remarques :
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Ces informations, loin d’être spectaculairement inédites comme le laisse entendre leur présentation (1), avaient déjà été publiées en 1971 par Jules Gérard-Libois et José Gotovitch dans L’An 40 (2).
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Léon Degrelle lui-même avait déjà reconnu (en 1949) l’appui financier italien en l’expliquant clairement : « Nous possédions […], en Italie, de nombreux, de vrais, d’ardents amis. Sur le conseil direct de Mussolini (avec qui je n’avais jamais eu de contact avant notre grande victoire de 1936 […]), certains de nos camarades romains avaient financièrement épaulé nos jeunes organisations, matériellement dépourvues de tout. » (3) Pol Vandromme soutiendra-t-il que Mario Soares est un « chien domestique, enchaîné à sa niche et devant sa pâtée » (p. 148) parce qu’il a accepté pour son Parti socialiste portugais les deutsche marks d’Helmut Schmidt ?
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En ce qui concerne l’affaire des subsides allemands, M. Vandromme omet de signaler qu’ils ne furent jamais payés et que le quotidien neutraliste qu’ils devaient financer ne vit jamais le jour. Mais objectera-t-il, l’important n’est-il pas que Degrelle soit allé mendier chez les Allemands ? Il est important de noter qu’à ce moment, l’Allemagne n’est pas notre ennemie et que, depuis cinq mois (3 septembre 1939), « la politique d’indépendance est devenue officiellement neutralité, avec l’appui d’une écrasante majorité au Parlement et dans la population » (4). Néanmoins, cette neutralité a, tout le monde le sait, constamment été violée en faveur des anciens alliés de 1914 (5) qui avaient, le même 3 septembre déclaré la guerre au Reich. Dans cette perspective où la politique belge pouvait difficilement être prise au sérieux par Hitler, on peut se demander si les efforts de Degrelle en février 40, loin d’être une prostitution d’idées, ne constituaient pas une ultime mais dérisoire, planche de salut (6).
Degrelle a, par ailleurs, expliqué la position rexiste face aux fascismes européens et à la politique de neutralité. On peut ne pas être d’accord, on ne peut pas, historiquement parlant, ne pas tenir compte de ces éléments : « Certes, divers points du programme de Rex correspondaient plus ou moins exactement avec un certain nombre de données fascistes ou nationales-socialistes […]. Toutefois, l’intérêt que nous portions aux expériences et aux revendications vitales des peuples débordants de l’Europe ne changeaient rien à notre comportement concernant la paix belge et la paix continentale. […] nous devions pratiquer la neutralité la plus exacte […]. Culturellement, nous étions profondément liés à la France. Politiquement et socialement, nous éprouvions un vif intérêt pour les idées nouvelles que représentaient Hitler et Mussolini. Mais raisonnablement, en patriotes lucides, nous voulions, en 1939, demeurer sereinement, totalement, au-dessus de la mêlée, pour sauver notre peuple et pour essayer de sauver les autres peuples » (7).
Mais revenons plus précisément au livre de Pol Vandromme pour nous interroger : qu’y a-t-il, à part ces « révélations historiques », dans les 148 autres pages du Loup au cou de chien ? de la bile ? de la rage ? Et bien, oui. Uniquement.
Comment appeler autrement l’éclairage systématiquement négatif où sont placés Léon Degrelle et tout ce qui le touche ? Ce constant parti-pris est d’ailleurs amusant à relever à travers le livre.
Les parents Degrelle ?
« une famille de notables, recensant ses ancêtres et se flattant de ses traditions cléricales, mais ne devant d’avoir pignon sur rue que par sa roublardise paysanne » (p. 13).
Le sabotage systématique des meetings du défroqué Moreau ?
« L’indignité d’un malheureux, que ses faiblesses eussent pu rendre pitoyable, alors que son outrecuidance relevait du mépris, ne valait pas cette cruauté acharnée et spectaculaire » (p. 67).
La campagne contre les pourris ?
« Degrelle vomissait sur le régime sans s’aviser qu’il se vomissait lui-même » (p. 98).
Le coup de Courtrai ?
« Dans la légende rexiste, ce fut l’équivalent de la nuit des longs couteaux. On l’a tellement racontée qu’il est inutile d’en faire encore le récit » (p. 69).
Le succès électoral de 1936 ?
« L’anecdote du phénomène a été évoquée jusqu’au rabâchage. Il serait décevant et trop absurde de ranimer les cendres de ce journalisme-rétro » (p. 71). Saluons au passage les scrupules historiques de l’auteur…
Un exemple est particulièrement éloquent du traitement systématiquement négatif de Degrelle, qui a pour corollaire (comme nous l’avons déjà vu pour l’ex-abbé Moreau) la présentation positive de ses adversaires : Pol Vandromme y oppose le réel calvaire du député rexiste dans les camps de prisonniers français à l’odyssée barnumesque des ministres belges se traînant aux basques de Paul Reynaud. Le lecteur est invité à moquer Degrelle et à plaindre Pierlot, pourtant désigné comme un des responsables d’ « un régime gangrené jusqu’à l’os » (p. 126).
Léon Degrelle:
« Un gribouille déjà mercenaire et qui se mirait dans ses crachats, n’avait pas volé ce qui lui arrivait : un exode menotte aux poings. On aurait dû lui épargner les sévices dont raffole la soldatesque avinée. Mais il a assez pleurniché sur ses infortunes et assez montré le collier de barbe qui dévorait son visage amaigri, pour que ces larmes d’écritoire et cette photographie misérabiliste compensent les cruautés inutiles et sottes. » (8)
Les ministres belges en fuite:
« Mais ces hommes, si piteux qu’ils eussent pu être, ne lui ressemblaient pas. L’écroulement du monde auquel ils avaient cru, la fin honteuse de régimes qu’ils avaient gouvernés, le souvenir encore cuisant de leur impéritie, la crainte de représailles, ce désespoir et cette inquiétude accompagnaient leur dérive. Le malheur des temps les avait affreusement meurtris. » (9)
Peindre quelqu’un de façon aussi uniforme ne se fait pas sans quelques faux-pas ni contradictions (10) : c’est ce que nous voudrions illustrer en examinant plus particulièrement le raisonnement des chapitres III des première et deuxième parties. S’attachant plus particulièrement à l’idéologie de Léon Degrelle et à sa concrétisation, ils soulignent, involontairement, la fraternité entre le rexiste et un José Antonio ou un Robert Brasillach (11).
L’ « idéologie » de l’Action Catholique de la Jeunesse Belge (ACJB):
1. Les idées sont belles :
« L’abbé Jacques Leclercq, et l’ACJB avec lui, […] tournait autour des questions primordiales […]. N’allez pas patauger au ras du sol, fuyez ce marais, soyez fous de hauteur et affamés de perfection. Dire la vérité, en se donnant les moyens de pouvoir la dire, c’était là l’unique nécessaire. Pour revêtir l’homme nouveau – l’homme de réflexion droite et désintéressée – il fallait se dépouiller de l’homme ancien, – de l’homme de parti » (pp. 43-44).
2. Les belles idées sont stériles si elles ne sont pas appliquées :
« à l’ACJB, on avait toutes sortes d’idées livresques sur l’Etat, de belles maximes sur le gouvernement des hommes ; mais aucun désir de les mettre en pratique dans l’immédiat. Une théorie de pouvoir n’est rien, si l’exercice du pouvoir donne des haut-le-cœur et scandalise l’intelligence » (p. 46).
L’ « idéologie » de Degrelle:
1. Les idées sont suspectes (12) (même si elles sont identiques) :
« Degrelle n’avait qu’un registre, pour un seul tambour. Ainsi : “[…] Nous monterons la côte sur nos genoux, s’il le faut, sur les cailloux, s’il le faut, mais nous arriverons au faîte sans rien céder, jamais, à personne. On ne résiste pas à ceux qui ont la foi, à ceux qui se donnent dans un don vraiment absolu.” […] Qu’on ait pu considérer comme une mystique cette turlutaine, et comme de la littérature sa musiquette d’accompagnement, passe toutes les bornes » (pp. 49-50).
2. Les belles idées appliquées gâchent tout :
« Un mystique s’abîmait en politique. Une action apostolique débouchait sur un activisme politicien » (p. 53).
Y a-t-il moyen de sortir de cette contradiction ?
Pol Vandromme va, dans la deuxième partie de son livre, Le Discours électoral, s’efforcer de nous montrer la marche à suivre au prix d’un raisonnement qui vaut son pesant de mauvaise foi :
1. « La société était bloquée – bloquée et vermoulue – et les jeunes gens voulaient en sortir, à tout prix, à tout risque » (13) (p. 90).
2. Au lieu de reprendre « un vocabulaire de gauche [lutte contre les puissances de l’argent] pour une politique d’autorité et de propreté » (p. 97) à l’usage des « classes moyennes et [des] notables de droite […], ces pauvres types sans assises sociales bien établies » (p. 102), il fallait servir « l’intelligence » [?!!!] (p. 99).
3. « On n’eût sans doute pas été écouté, mais, pour l’honneur de l’intelligence, il eût fallu toiser la plèbe en aristocrate. Dire les vérités paradoxales et décourageantes, les crier à la cantonade. Que l’incorruptibilité était une vertu subalterne en politique. […] Qu’un homme politique un peu cupide mais efficace et prévoyant état préférable à un homme politique intègre mais artisan de catastrophes. […] Et puis encore que si la démocratie avait ses égouts, du moins étaient-ils à ciel ouvert, à l’inverse des bourbiers en dictature qui demeuraient des secrets d’Etat ou de bande » (pp. 99-100).
Cet éloge de la politique de Gribouille ressortit, on le voit, à la même volonté systématiquement négative à l’égard de tout ce qui touche au chef de Rex. Le procédé confine ici au comique involontaire puisqu’il assimile explicitement les Pierlot, Van Zeeland, Gutt à autant de Talleyrand, de Mazarin, de Fouquet (p. 99) !...
L’hyperbole est pourtant tellement excessive que l’auteur se sent obligé de préciser dans une note de bas de page (14) : « Il va sans dire – mais cela ira mieux encore lorsqu’on l’aura dit – qu’un homme d’Etat honnête est plus estimable qu’un homme d’Etat qui ne l’est pas. »
Le lecteur attentif n’est-il pas ici en bon chemin pour découvrir les véritables « patrons » de M.Vandromme ? Cet éloge du politicien, homme d’argent rachetant en quelque sorte sa vénalité par une gestion efficace (pour qui ?) du « Bien commun », suit en effet une mise au point destinée à préparer le terrain, mais révélatrice des sympathies de l’auteur : « L’argent se comporte souvent en despote Mais imaginer qu’il est maître de tout, de l’Etat, des Eglises, de la société, des consciences ; que le règne de la banque n’a ni limite ni mesure, ne plaide pas en faveur de l’équilibre de l’esprit » (p. 95). On aimerait connaître précisément l’avis de M. Vandromme sur ces franc-maçonneries mondialistes qui ont nom « Trilatérale » ou « Bilderberg »…
Quarante ans après la victoire des matérialismes économiques, Pol Vandromme apporte ainsi sa petite contribution à la vaste campagne d’un système qui, n’en finissant pas de constater sa faillite, s’efforce de détourner l’attention de l’opinion publique vers le mythe de la renaissance d’un nazisme monstrueux.
Dissimulant son opération d’intoxication (le pouvoir capitaliste et mondialiste est bénéfique et inéluctable) sous le masque d’une réponse soi-disant objective à un prétendu panégyrique de Léon Degrelle que nous n’aurons vraisemblablement jamais l’occasion de voir (cf. l’hebdomadaire Pan n° 1767 signalant que la programmation du Dossier noir de Jean-Michel Charlier consacré à Léon Degrelle est remise sine die) (15), Pol Vandromme ne réussit qu’à donner la pénible impression de se bousculer pour participer à la curée (dans le sillage de l’imbécile Ordre noir de Benjamin et Dethy, de l’inepte Nazis dans le monde de Patrice Chairoff, de l’injustifiable expulsion du Professeur Robert Faurisson de sa chaire universitaire, de l’opportune affaire « Darquier de Pellepoix », du lucratif Holocauste imposé à tous les téléspectateurs occidentaux,…).
Si, à l’instar de Pol Vandromme découvrant l’autoportrait de Degrelle dans sa description de Louis Boumal (p. 24), nous cherchions dans ce livre les passages où l’auteur s’est le plus sûrement projeté, nous définirions ses « imbécillités charentonesques enrobées dans un charabia de cuistrerie » (p. 107) en disant : « il glissait tout de suite dans la fièvre et dans la logorrhée, mais à l’ancienne mode, en n’ayant pas oublié son cours de rhétorique, composant bien, se ménageant des haltes, plaçant ses mots dans la cible, soignant ses chutes » (p. 82) (16)…
Notes
(1) « Les opinions du Chef étaient des opinions appointées […]. En voici la preuve par deux […] » (p. 117).
(2) Bruxelles, C.R.I.S.P., pp. 34-35.
(3) La Cohue de 1940, Lausanne, Robert Crausaz, p. 34.
(4) L’An 40, page 71. Nous soulignons.
(5) Et cela, même dans les milieux gouvernementaux : « Camille Gutt [ministre des Finances] avait, dès avant septembre 1939, fait transporter 10 milliards FB à la Bank of England à Londres et 6 milliards FB à la Federal Reserve Bank de New York, ne gardant en Belgique que la couverture minimum de la circulation, soit 6,5 milliards FB. Au cours de l’hiver 1939-1940, les derniers 500 millions quittent également Bruxelles pour rejoindre le dépôt de la Banque de France. » (Jacques de Launay, La Belgique à l’heure allemande, Bruxelles, Paul Legrain, 1977, p. 32).
(6) Jacques Willequet, s’interrogeant sur les liens financiers entre rexistes et nazis, constatait en 1967 : « Du côté allemand, on n’a jamais pu trouver qu’une fourniture de papier-journal et des rotatives à prix d’ami et il est peu vraisemblable que le soutien matériel ait dépassé ce stade modeste. » (Les Fascismes belges et la seconde guerre mondiale, in Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, Paris, avril 1967, p. 109, cité d’après L’An 40, p. 35, note 27).
(7) La Cohue de 1940, pp. 30-33. Citant Le Pays Réel du 28 mars 1940, J. Gérard-Libois et J. Gotovitch expliquent la position isolée de Degrelle jusque dans son propre parti : « “On en a voulu au Pays Réel au début d’avoir été si farouchement neutre et pacifiste. Certes, si tout le monde avait été raisonnable, en Belgique, nous eussions pu parler avec plus de nuance […] mais on dénaturait systématiquement tout ce qui venait de Paris ou de Londres. Nous avons dû avec chagrin souvent faire office de contrepoids.” Cette explication n’eut pas l’heur de suffire, même au sein de Rex : deux sénateurs sur quatre démissionnèrent en avril 1940 […]. D’anciens parlementaires de Rex comme Pierre Daye, Prosper Teughels, Paul De Mont, songeaient, à la veille du 10 mai 1940, à publier un manifeste en commun, qui eût expliqué pourquoi tant d’hommes parmi eux étaient désemparés, désabusés, cruellement blessés par l’attitude de L. Degrelle. » (L’An 40, pp. 32-33).
(8) Page 124. Nous soulignons.
(9) Page 125. Nous soulignons. Nous aimerions demander à M. Vandromme en quoi les vaincus de 45 sont étrangers à cette définition. Pourquoi dès lors s’acharner sur leurs cadavres ? A moins que cela n’ait une signification politique : voir plus loin. Voulant trop bien faire, il arrive aussi que l’auteur, involontairement, souligne la sincérité et le manque de démagogie de l’objet de sa haine. Ainsi lorsqu’il explique le peu de voix que Rex aurait gagnées aux socialistes, en 1936, par « la stupidité d’un cogneur trop aveugle pour pressentir les contradictions d’un parti et pour les faire éclater, sans oublier ses origines bourgeoises et surtout cléricales trop constamment et trop indiscrètement rappelées » (p. 100). Degrelle ne regrettait rien d’autre en analysant sa fortune politique : « Il est clair que le fait d’être catholique fut, dans ma vie politique, un handicap considérable. Incroyant, je n’eusse pas été soumis à ces pressions abominables, à ce chantage aux consciences d’un haut clergé qui maniait la crosse comme un gourdin. » (Hitler pour 1000 ans, Paris, La Table ronde, 1969, p. 78).
(10) Quand ce n’est pas à une véritable falsification de l’Histoire que l’auteur aboutit. Ainsi à la p. 111 : « Degrelle s’aventurait beaucoup […]. N’importe quel apprenti politicien eût prévu que le régime, ainsi bafoué à l’hitlérienne, se déclarerait en légitime défense ; et qu’en risquant trop, on perdait tout. Avec une candidature unique contre lui, surtout après le coup de crosse du cardinal Van Roey, Degrelle ne pouvait plus rien. Ni contre la démocratie, qu’il allait renforcer. Ni contre van Zeeland, qu’il allait faire plébisciter. Ni même pour Rex, qui allait perdre des voix par rapport à 1936. Alors, une fois de plus, on se gausserait de la légèreté du personnage, et l’on n’aurait pas tort. »
La présentation de cet échec électoral de Degrelle face au candidat unique des libéraux, des catholiques, des socialistes et des communistes pèche en de nombreux endroits :
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Ce n’est que deux jours avant les élections que le cardinal Van Roey engagera dans la campagne électorale tout le poids de l’Eglise, obligeant littéralement les catholiques à voter pour Van Zeeland. Jamais dans l’esprit du Chef de Rex, l’Eglise n’avait été associée au régime en décrépitude qu’il combattait (cf. note précédente).
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La carrière politique de Van Zeeland n’en profitera guère car elle s’achèvera deux mois plus tard dans le scandale, déclenché par Degrelle, de la « caisse noire » de la Banque nationale.
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Par rapport à 1936, Rex gagne proportionnellement des voix, puisqu’il passe de 11,49 à 19% des suffrages.
(11) Qui avaient, quant à eux, n’en déplaise à M. Vandromme, reconnu et proclamé cette fraternité, l’un en faisant, en 1933, de Degrelle le « N. 1 à l’étranger de la Phalange », l’autre en publiant, en 1936, Léon Degrelle et l’avenir de Rex. Il semble bien, à lire ce que l’auteur écrit de José Streel (pp. 83-84), de Joris van Seeveren (pp. 121, 125), de Victor Matthys (pp. 130-131), de Robert Brasillach (p. 146), que le grand tort de Degrelle est de n’être pas mort et de l’empêcher ainsi de composer des lignes émouvantes sur son destin brisé par l’Histoire…
(12) Et même ridicules, si l’on en juge d’après la creuse paraphrase, digne d’un discours du maire de Champignac : « Camarades, laissez battre en vous le cœur des héros ; les armures sont là, longues, minces, d’un airain souple, d’une chair imputride, et elles n’attendent que votre courage ; les épées, que l’ennemi redoute, et qu’il suffit de tirer de leur fourreau, vous enseigneront qu’aux cœurs vaillants, rien n’est impossible ; un soleil se lève pour saluer les guerres », etc.
(13) Cf. « un régime gangrené jusqu’à l’os » (p. 126).
(14) La seule de tout l’ouvrage : voilà qui traduit à suffisance la gêne de l’auteur.
(15) Le livre de M. Vandromme est en fait parfaitement inutile car il fait double emploi avec le pamphlet, autrement charpenté et refusant l’insulte gratuite, de Charles d’Ydewalle, Degrelle ou la triple importure (Bruxelles, Pierre de Méyère, 1968). Citant lui aussi un rapport secret (26 janvier 1943) d’Eggert Reeder, chef de l’Administration militaire à Bruxelles, qui traçait un portrait sans complaisance de Léon Degrelle, l’auteur en tire les conclusions suivantes qu’il est intéressant de rapprocher de la position, examinée plus haut, de Degrelle face aux finances nazies (ce texte rencontre également l’accusation de séparatiste inconscient formulée par P. Vandromme à la page 115) : « […] 5. Degrelle n’a jamais été en rapport avec les autorités du Reich avant 1940, et n’était donc nullement leur agent politique. […] 11. Les jugements très sévères, et d’ailleurs très objectifs de Reeder, démontrent que Degrelle n’avait certainement pas agi à l’instigation des autorités allemandes, et qu’il n’avait guère à escompter leur appui, lorsqu’il se présenta à l’opinion belge le 17 janvier 1943, après “être resté éloigné du pays avec ses légionnaires depuis 16 mois”. 12. Le caractère sentimental et “belgiciste” de la nouvelle politique définie par Degrelle à l’occasion de ce meeting sensationnel, ne rencontre pas, manifestement, l’agrément de Reeder, qui lui oppose les arguments les moins pertinents des extrémistes flamands. Il invoque les préjugés de l’opinion belge d’expression française et flamande, et va jusqu’à juger cette initiative malencontreuse, du point de vue des intérêts du Reich !! [Nous sommes loin de la « lèche de limace » dont parle P. Vandromme, p. 145, à propos de ce discours de Degrelle…]. 13. Il faut bien convenir, dans ce cas, que le mythe des “Etats bourguignons”, dans le cadre de la fédération germanique et anti-communiste, de l’Europe ressemble fort à un argument psychologique plus souple de la politique d’indépendance. Compromis romantique destiné à concilier, (et l’on songe à Benelux) les aspirations d’autonomie nationale, avec les prétentions des mouvements séparatistes flamands et les desseins de l’occupant. Cette conception mal comprise, rencontra les plus vives oppositions dans les milieux même de la collaboration. »
(16) Un mot serait encore à dire des préoccupations « littéraires » de l’auteur, qui montrent celui-ci « au service de… lui-même », en plein délire apologétique : l’auteur des pastiches publiés dans Faux en écriture (il ne peut, aux pp. 136-138, s’empêcher de refaire son numéro « célinien ») entend dénoncer Degrelle, plagiaire maladroit d’Anna de Noailles, de Péguy, de Mauriac, de Verlaine, de Baudelaire (pp. 23-24) ou de Drumont (p. 94). Plus développée, la comparaison mesquine (il s’agit de montrer lequel est le plus élégamment ordurier) entre Léon Degrelle et Léon Daudet (pp. 78-81) a pour seul but de convaincre le lecteur que le véritable héritier belge du pamphlétaire génial de l’Action française n’est autre que… Pol Vandromme !